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7.3.15

Contre les épices


déclinelle
elle déclinait, oui
les intentions
les impressions
il ne servait à rien d'aller contre les
épices

elle s'entendait bien avec
elle-même
elle s'entendait bien
dialoguer avec l'horizon sans se soucier trop des
gens ?
ses intuitions lui donnaient
l'avantage

« si je pouvais lire tes pensées, tu me parlerais quand même ? »

il y avait une complexité dans leurs
manières
dans leur manière d'aborder les
choses
qui ressemblait trop à une des
complications

il ne sert à rien d'aller contre les
épices
c'était ce qu'un jour une apsara lui avait glissé dans la tête à l'oreille lui avait un jour glissé oui dans la tête
une apsara
à cette époque, elle parlait encore parfois avec les idoles
juste parfois

elle rasait les murs de la fac la
mignonnette entre parenthèses avec ses
dreadlocks
depuis petite elle se cherchait à se
fondre dans le décor
c'était ça ou faire fondre les
autres
(elle n'y tenait pas plus que cela)

on ne savait jamais vraiment trop son nom
elle savait se faire
invisible
rester hors du centre du cirque de
l'arène
la reine que l'on attendait d'elle (tu peux courir)
bien planquée derrière les dreads (et tu courras longtemps)

pourquoi attirer la
tension ?

elle ne voulait pas elle ne voulait pas surtout pas non qu'on se
préoccupe de son
reflet
elle avait compris depuis petite qu'à ne rien dire à ne rien
dire elle entretenait son
calme

elle ne voulait pas l'admettre mais il y avait quelque chose à être
fille
de risqué
quelque chose à être
belle
de pénible
quelque chose à être
mate à être
étrangère d'allure un peu même si elle n'appartenait pas à ces
peuplades chelous qui terrifiaient les vieux messieurs
de pas très catholique et de d'ici
d'ici oui et d'hindoue pourtant de
là-bas tout à la fois dédouanée toujours dédouanée d'un doux
regard
et grâce à ses bonnes manières, aussi

« tu viens d'où ? »
« d'un appartement vert avec vue sur la saône »
« tu veux boire un café ? »
« oui, demain matin avec mon chat »
il n'était pas nécessairement utile de répondre à toutes ces
questions

puis les dieux se murèrent dans le silence et d'un mutisme elle se jeta peu à peu dans la
gueule du monde loop

on lui dit parfois qu'on se souvient d'elle
la fille timide qui rasait les murs à la fac
on lui dit qu'on n'avait jamais osé aller lui
parler
et elle sourit
parce qu'elle n'était pas timide
et ça l'amuse
et elle songe que c'est bien

A.K.